Compte-rendu du 10e Forum « Avenir de la Mémoire » en 2024

Le titre « Se souvenir des crimes nationaux-socialistes, de nos jours marqués par un virage à droite international, met l’accent sur le dialogue intergénérationnel, la mise en réseau internationale et la question de savoir comment une culture de la mémoire peut être façonnée aujourd’hui à la lumière des défis politiques actuels.
Professeur Oliver von Wrochem (Fondation des mémoriaux et des lieux didactiques de Hambourg) a ouvert le forum en posant la question de savoir comment la mémoire de l’histoire nazie peut être préservée à long terme. Ce faisant, il a abordé le rôle des descendants des victimes et des auteurs nazis en tant qu’acteurs de la société. Dr Alexandre Froidevaux, qui a remplacé Dr Susann Lewerenz en congé-maladie, a souligné l’importance de la culture de la Mémoire compte tenu des succès électoraux de la droite dans le monde entier. L’objectif du forum est donc de s’aider et de se soutenir mutuellement pour parvenir à une société pluraliste et solidaire.
Se souvenir de la rafle de Murat
Lors de la table ronde qui a suivi, Anne Servet et Marc Hivernat, descendants de prisonniers français des camps de concentration, ont présenté les conséquences de la déportation pour la ville française de Murat en juin 1944. Tous deux s’impliquent activement dans l’association Mémoire(s) & Déportation du Cantal, dédiée à la mémoire des déportés. Marc Hivernat a souligné l’importance historique de Murat comme lieu de résistance et des représailles des nationaux-socialistes, au cours desquelles la ville a été incendiée et plus de 100 hommes ont été déportés. A la suite de quoi un « couvercle de silence » s’est abattu sur Murat, renforcé par le traumatisme des rapatriés, et a longtemps façonné la culture locale de la Mémoire. Anne Servet et Marc Hivernat ont tous deux souligné l’importance de la mémoire collective locale et le défi de la transmission de l’histoire aux jeunes générations.
Bosnie-Herzégovine et Croatie : Se souvenir dans le contexte des guerres des années 1990
La deuxième table ronde était une conversation avec Aleksandar Bančić, petit-fils d’un partisan croate, prisonnier du camp de concentration de Neuengamme. Aleksandar Bančić a décrit l’histoire complexe de l’identité de son grand-père, né croate et mort italien. En outre, il a rendu compte des recherches sur l’histoire familiale, qu’il rend visible à travers des projets artistiques et un travail éducatif basés sur l’histoire de son grand-père. Il s’appuie sur des pièces de théâtre pour sensibiliser les jeunes au thème du national-socialisme. Aleksandar Bančić a également souligné les difficultés en Croatie de parvenir à un examen unique et critique de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Projets d’associations et d’initiatives de descendants d’anciens prisonniers des camps de concentration
Lors de la première table ronde de la journée suivante, des représentants d’associations de familles de Belgique, d’Allemagne et d’Espagne ont présenté des projets en cours pour conserver vivantes les histoires des victimes de la persécution nazie.
Tom Devos (Museum Meensel-Kiegezem) a présenté son livre "Want als we hat vergeten... Meensel-Kiezegem, 80 Jaar na de Razzia’s. L’intention de cette publication est de raconter et de se souvenir des histoires personnelles qui, autrement, tomberaient dans l’oubli avec la mort des témoins.
Thomas Käpernick (Arbeitsgemeinschaft Neuengamme) a présenté l’idée du projet d’un « Mur des noms », un mémorial qui mentionnerait tous les noms des prisonniers du camp de concentration de Neuengamme et servirait ainsi de lieu de mémoire pour les proches. Il a expliqué les défis de la recherche de noms, particulièrement en raison de la destruction de documents SS.
José Luis Villaverde (Amical de Neuengamme) a conclu en parlant de la plantation prévue d’une jeune pousse de l’arbre Guernica au Mémorial de Wöbbelin. Il a expliqué l’importance de l’arbre en tant que symbole de rassemblement, de cohésion, mais aussi en tant que symbole anti-guerre.
Histoires familiales surinamiennes-néerlandaises
La table ronde suivante avec Max Nods et Vincent de Kom a traité de l’histoire de leurs ancêtres, marquée à la fois par le national-socialisme et le colonialisme. Waldemar Nods et Anton de Kom étaient originaires de la colonie néerlandaise du Suriname et vivaient aux Pays-Bas. En raison de leur engagement politique dans la résistance, ils ont été arrêtés et déportés au camp de concentration de Neuengamme. Aucun n’a survécu.
Par leur engagement en faveur de la culture de la Mémoire, Max Nods et Vincent de Kom préservent l’histoire de leurs familles et favorisent ainsi la compréhension des injustices sociales et l’importance de la résistance. Max Nods a parlé du livre « Sonny Boy », qui raconte l’histoire de son grand-père, tandis que Vincent de Kom a parlé de la Fondation Anton de Kom, qui a réussi à obtenir des excuses officielles du gouvernement néerlandais.
« Toujours là ! » Enfants issus de relations interdites
La table ronde de l’après-midi a abordé la stigmatisation et la discrimination des enfants nés de relations interdites entre Allemands et travailleurs forcés ou prisonniers de guerre. Lucy Debus a expliqué le contexte historique et a présenté le projet « Trotzdem da !» (Néanmoins là !), qui documente les histoires de la vie de ces enfants dans le cadre de recherches scientifiques. Katharina Sämann et Christa Steffens ont livré un témoignage remarquable sur les défis de leur enfance et leur quête identitaire. Avec les mots émouvants de sa mère - « Ne te laisse jamais enlever ta dignité » - Christa Steffens a rappelé de manière impressionnante l’injustice qu’elle avait vécue.
Table ronde de clôture
Enfin dans l’après-midi, une discussion a eu lieu et a abordé les thèmes essentiels du forum. Entre autres, les différences nationales dans la culture de la Mémoire ont été discutées. Beaucoup de personnes présentes ont profité de l’occasion pour remercier le mémorial d’avoir organisé le forum et le mémorial a été décrit par beaucoup comme un lieu important - un lieu où l’on peut s’exprimer et en même temps trouver des oreilles attentives et des cœurs ouverts. Enfin, l’appel a été formulé pour, à l’avenir, lutter davantage contre la montée en puissance des partis d’extrême-droite et pour relever activement les défis du présent.
Compte-rendu : Lisa Vitali, Traduction : Annick Eckel-Daynac


